avril, de tous les mois, tu es le plus cruel,
à faire jaillir tes lilas de la terre morte,
à mélanger mémoire et désir,
à taquiner les racines moribondes de tes pluies printanières.
l'hiver nous tenait bien au chaud,
à étendre sa couverture de neige et d'oubli sur la terre,
à distiller un goutte à goutte bienfaisant aux tubercules.
[…]
quelles sont ces branches qui s'étirent et ces racines qui s'agrippent
à ces débris rocailleux ?
fils de l'homme,
tu ne peux pas le dire,
ni même le deviner :
ta connaissance se limite à un tas d'images brisées
sur lesquelles le soleil tape.
l'arbre mort n'apporte pas le moindre réconfort,
la cigale pas le moindre apaisement,
et la pierre sèche pas le moindre bruit d'eau.
ton seul point d'ombre
tu le trouveras sous ce rocher rouge
(viens t'abriter à l'ombre de ce rocher rouge)
je te montrerai là quelque chose qui n'a à voir
ni avec l'ombre qui te suit le matin
ni avec l'ombre qui se lève davant toi le soir ;
je te ferai découvrir l'effroi dans une poignée de poussière.
[…]
d'après T.S. Eliot,
The Waste Land, I. The Burial Of The Dead